PARIS/MOSCOU (Reuters) – Société générale portera sa participation dans Rosbank à plus de 90%, ce qui constitue en soi un pari sur le redressement de cette banque russe en difficulté alors même que d’autres établissements ont quitté un pays où il leur était impossible de prendre pied.
Certes, des banques telles que l’américaine Citi ou l’autrichienne Raiffeisen y prospèrent mais beaucoup d’autres ont rencontré des difficultés dans un pays où la corruption est endémique, où les risques, tant juridiques que financiers, sont innombrables, et où dominent deux géants contrôlés par l’Etat, Sberbank et VTB.
La SocGen, entrée au capital de Rosbank en 2006, a investi plusieurs milliards d’euros dans la banque ces dernières années pour la redresser mais s’est heurté à divers obstacles, parmi lesquels une crise de management au printemps après l’inculpation pour corruption du directeur général de sa filiale, Vladimir Goloubkov.
Suivant la transaction conclue lundi et qui doit être réalisée au quatrième trimestre, Société générale rachète à VTB, la deuxième banque de Russie, sa participation d’environ 10% dans Rosbank, portant ainsi ses parts à 92,4% au total.
La transaction donne à la banque française les moyens d’atteindre ses objectifs déclarés de rentabilité et de taille en Russie mais aussi d’y renoncer moyennant une sortie honorable si nécessaire.
« (Pour SocGen), l’augmentation de 10% pourrait l’aider à vendre la totalité (de Rosbank) à quelqu’un d’autre », dit Andreï Klapko, analyste de Gazprombank. « Pour l’instant, ce serait difficile de trouver l’acheteur idéal; la tendance est plutôt de sortir des marchés d’Europe de l’est et de réduire l’investissement dans ces régions ».
AUTOUR DE 200 MILLIONS D’EUROS
En échange de ses 10% du capital, VTB, entrée au tour de table de Rosbank en 2010, recevra des actions de sociétés russes, un portefeuille de prêts à des entreprises russes et des actifs immobiliers situés en Russie, ont précisé les deux banques, confirmant une information donnée par Reuters dimanche.
VTB, contrôlée par l’Etat russe, avait déclaré en mai que sa participation dans Rosbank n’était pas stratégique et qu’elle avait engagé des discussions en vue de s’en séparer.
Société générale précise dans un communiqué que « cette transaction aura un impact financier positif sur Rosbank et un impact limité sur le ratio Core Tier 1 du groupe Société générale ».
Jean-Pierre Lambert, analyste de Keefe, Bruyette & Woods, estime la valeur de la participation autour de 200 millions d’euros mais anticipe un impact négatif avant impôt d’une cinquantaine de millions d’euros sur la SocGen.
Lambert ajoute qu’il prend pour hypothèse une « décote de 20% sur les actifs vendus par la SocGen ».
La Russie et l’Europe de l’est sont des pièces maîtresses de la stratégie de redressement du directeur général Frédéric Oudéa. Cette stratégie entend compenser une stagnation des revenus locaux de la banque de détail et des bénéfices de trading instables par une exposition accrue aux économies dynamiques au-delà de la zone euro.
Pour l’instant, cette stratégie tarde à porter ses fruits mais Oudéa n’en avait pas moins déclaré en juin que la banque ambitionnait de doubler son retour sur capitaux propres en Russie pour le porter au-delà de 15% d’ici à 2015. Pour l’ensemble du groupe, cet objectif est de 10% sur la même période.
L’ENTRAVE VTB
L’action SocGen se traite avec une décote par rapport à ses homologues françaises et européennes, témoignant d’un certain scepticisme du marché vis-à-vis de la stratégie d’Oudéa.
SocGen a fait état d’un bénéfice semestriel de 29 millions d’euros pour Rosbank et ses filiales de crédit à la consommation et de crédit immobilier, après une perte de 291 millions d’euros un an auparavant, imputable à une dépréciation de la survaleur.
Pour les analystes, il faudra un bénéfice annuel de 120 millions d’euros au moins pour que Rosbank donne l’impression d’être définitivement remise sur les rails.
Les banques occidentales se sont jeté sur la Russie après la décomposition de l’empire soviétique en 1991 mais cette ruée n’est plus du goût du président Vladimir Poutine.
Les grandes banques publiques russes deviennent de plus en plus compétitives, jouissent d’avantages certains pour leur financement grâce à une garantie souveraine reposant sur un faible endettement, et renforcent leurs équipes en débauchant des professionnels étrangers talentueux.
Mais un rapport publié lundi par Moody’s signale que dans les 12 à 18 mois à venir, les conditions d’exploitation des banques russes deviendront difficiles en raison notamment d’un ralentissement de la croissance économique.
Des sources bancaires au fait de la stratégie de la SocGen ont dit à Reuters que racheter les parts de VTB était inévitable compte tenu de son désir d’assumer le contrôle total d’un établissement qui passe pour éclaté et difficile à gérer aux yeux de banquiers et d’ex-membres du personnel. La présence de VTB au conseil d’administration de Rosbank constituait également une entrave, ont-elles ajouté.
A la Bourse de Paris, l’action Société générale gagne 0,10% à 38,96 euros, alors que l’indice sectoriel européen Stoxx abandonne 0,58% et que le CAC 40 cède 0,29%.
Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Marc Joanny
Reuters par Megan Davies et Lionel Laurent
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