Économie

La zone euro prise au piège de la vigueur de sa devise

Les sacrifices des Européens pour sauver la réalisation la plus aboutie de leur projet commun menacent de se retourner contre eux : la vigueur persistante de l"euro pénalise leurs entreprises et encourage les pressions déflationnistes au sein du bloc monétaire. /Photo d"archives/ REUTERS/Kacper Pempel
La zone euro prise au piège de la vigueur de sa devise

(Reuters) – Les sacrifices des Européens pour sauver la réalisation la plus aboutie de leur projet commun menacent de se retourner contre eux : la vigueur persistante de l’euro pénalise leurs entreprises et encourage les pressions déflationnistes au sein du bloc monétaire.

L’euro s’est apprécié de près de 15% face au dollar depuis que la Banque centrale européenne, au plus fort de la crise des dettes souveraines, s’est engagée à tout faire pour sauver la monnaie unique. Il franchit la barre de 1,38 dollar, niveau oublié depuis l’automne 2011 mais encore loin du record historique à près de 1,60 dollar atteint en juillet 2008.

En pleine saison des résultats trimestriels d’entreprises, la liste ne cesse de s’allonger des grands groupes européens, tous secteurs confondus, imputant notamment à la vigueur de l’euro des performances inférieures aux attentes voire des abaissements de perspectives annuelles.

Unilever, Philips, le brasseur SABMiller, les constructeurs automobiles comme Renault, le spécialiste des matériaux de construction Saint-Gobain ou celui des équipements électriques Schneider Electric ont ainsi été impactés négativement par des effets de change, qu’il s’agisse du dollar ou du plongeon de certaines devises émergentes.

PROTECTION TEMPORAIRE

Le directeur général d’Unilever Paul Polman a dit n’avoir jamais été confronté à une baisse aussi marquée et simultanée d’autant de devises.

Frans van Houten, son homologue de Philips qui réalise 75% de ses facturations en dollar, en yen ou d’autres devises asiatiques, a expliqué que, « très affecté » par leur affaiblissement, le groupe néerlandais l’a compensé par des innovations avec des marges brutes plus élevées et par des économies de coûts.

Les couvertures de change n’offrent qu’une protection temporaire si l’appréciation d’une devise s’avère durable.

Pascal Bouchiat, le directeur financier de l’équipementier pour l’aérospatiale et la défense Thales, a ainsi fait état d’une couverture à taux de change moyen de 1,34 dollar pour un euro sur l’ensemble de l’année en cours.

Schneider, qui a averti sur ses résultats 2013 en raison d’effets de change plus lourds que prévu, a dit ne pas s’attendre à une remontée des devises faibles face à l’euro l’an prochain.

« Des couvertures sur trois à six mois ne constituent pas un levier stratégique pour répondre aux fluctuations (de change) », a expliqué à Reuters un porte-parole du groupe. « Quand il y a de telles variations, on préfère demander aux équipes sur le terrain de s’adapter en augmentant les prix ou en optimisant l’activité. »

LA BCE « ATTENTIVE »

A la rapidité de l’appréciation de l’euro s’ajoute la perspective d’une vigueur durable de la monnaie européenne.

Tout en restant très accommodante, la politique monétaire de la BCE l’est moins que celle d’autres banques centrales comme la Réserve fédérale américaine, la Banque du Japon ou la Banque d’Angleterre.

Alors que le bilan de la BCE s’est contracté avec l’arrivée à échéance de ses opérations de refinancement à très long terme, la Fed a différé la ralentissement de ses achats d’actifs, la Banque du Japon a ouvert en grand le robinet à liquidités et la Banque d’Angleterre ne l’a pas refermé.

Les liquidités ainsi injectées en quête de placements rémunérateurs se sont en partie déversées en Europe, contribuant à la bonne tenue des obligations souveraines et à l’appréciation des Bourses de la zone euro… mais aussi à la hausse de sa devise.

Avec le redressement des comptes extérieurs des pays ‘périphériques’, la zone euro a affiché un excédent record de ses comptes courants au deuxième trimestre, qui contribue aussi à la bonne tenue de sa monnaie.

Interrogé sur le niveau de l’euro début octobre après le conseil des gouverneurs de la BCE, son président Mario Draghi avait déclaré : « le taux de change est important pour la croissance et la stabilité des prix, et nous sommes certainement attentifs à ces développements. »

Alors que la demande intérieure reste déprimée au sein de la zone euro, la vigueur de la devise risque de peser sur les performances à l’export de certains pays dont la compétitivité repose principalement sur les prix plutôt que l’innovation ou les effets de gamme. La reprise qui se dessinait en zone euro depuis le printemps après six trimestres consécutifs de contraction d’activité a marqué le pas en octobre au vu des indices des directeurs d’achat (PMI).

ENGRENAGES DÉFLATIONNISTES

La référence de Mario Draghi à l’importance du taux de change pour la stabilité des prix est aussi à replacer dans le contexte d’une inflation particulièrement faible au sein de la zone euro, voire de baisse des prix dans des pays comme la Grèce ou le Portugal.

La BCE doit statutairement assurer la stabilité des prix à moyen terme, définie comme une inflation inférieure mais proche de 2% en rythme annuel. Depuis un pic à 3% en novembre 2011, l’évolution de l’indice harmonisé des prix des 17 pays de la zone euro est orientée à la baisse. L’inflation est ressortie à 1,1% en septembre.

La vigueur de la monnaie unique contribue à la baisse des prix à l’importation, notamment pour les produits énergétiques, soutenant le pouvoir d’achat des ménages et donc la demande intérieure.

Mais dans un environnement d’inflation déjà faible, des anticipations de hausses de prix encore plus ténues, voire de baisses, peuvent enclencher des engrenages déflationnistes.

L’inflation étant négative et les taux d’intérêt nominaux ne pouvant plus baisser, les taux d’intérêt réels deviennent alors anormalement élevés. Ce qui déprime les prix des actifs et de la demande.

Marc Joanny, avec le service économique France, édité par Dominique Rodriguez

 

Source : Reuters

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