FRANCFORT/HELSINKI (Reuters) par Eric Auchard, Jussi Rosendahl et Leila Abboud – Nokia a lancé les préparatifs pour la conception d’un nouveau téléphone portable qu’il espère lancer fin 2016 et qui marquera son grand retour sur un marché qu’il avait dû abandonner en 2013.
Le groupe finlandais, ex-numéro un mondial des combinés mobiles, a été détrôné par l’avènement des smartphones et la montée en puissance d’Apple et Samsung. Il a vendu fin 2013 sa division de téléphones à Microsoft pour se recentrer sur les équipements de télécommunications, domaine dans lequel il compte se renforcer en fusionnant avec Alcatel-Lucent.
Mais il n’a pas renoncé aux combinés et son directeur général Rajeev Suri, arrivé en mai, entend revenir sur ce marché à la fin 2016, à l’expiration d’une clause de non concurrence avec Microsoft. Pour préparer son retour, le groupe embauche des développeurs, teste de nouveaux produits et cherche des partenaires commerciaux.
Il a déjà amorcé son retour vers le grand public en lançant en janvier en Chine une nouvelle tablette Android, la N1, et en dévoilant fin juillet une caméra sphérique conçue pour la réalité virtuelle.
Parallèlement a été lancée une application Android appelée Z Launcher, permettant d’organiser les contenus sur smartphones.
La division technologies de Nokia a posté sur LinkedIn des annonces pour des dizaines d’emplois en Californie, y compris des ingénieurs spécialisés dans le système d’exploitation Android qui sera utilisé dans les futurs appareils mobiles. Le groupe avait annoncé en mai son intention de supprimer quelque 70 postes dans cette division qui emploie 600 personnes mais ce chiffre a depuis été réduit de moitié, selon une source interne.
DES BREVETS ET DES TALENTS
Se refaire une place au soleil ne sera pas chose aisée dans ce marché très évolutif et concurrentiel où l’américain Apple truste près de 90% des profits. Mais Nokia peut compter sur une myriade de brevets accumulés depuis 20 ans et soigneusement conservés après la cession de son ex-division mobile à Microsoft. Et, une fois finalisée la fusion avec Alcatel-Lucent, il pourra aussi bénéficier des talents des Bell Labs, ces centres de recherche aux Etats-Unis qui ont à leur actif huit prix Nobel.
Nokia, après avoir manqué des évolutions technologiques, réagi trop lentement aux goûts changeants des consommateurs et laissé ses coûts fixes déraper, promet de ne pas répéter les erreurs du passé.
Pour cela, il s’oriente vers des accords de licence où, en échange de royalties, il permettra à d’autres fabricants d’assembler et de commercialiser les téléphones vendus sous sa marque. C’est là une rupture majeure avec le passé, quand le groupe finlandais fabriquait plus de téléphones que toute la concurrence réunie et faisait travailler pour cela des dizaines de milliers de personnes dans ses usines.
Les produits vendus sous licence, comme la tablette N1, rapportent certes moins que ceux fabriqués dans les usines du groupe mais entraînent aussi moins de risque. Moyennant un investissement plus faible, ils apportent un revenu régulier qui viendra compléter l’activité de Nokia dans les équipements télécoms et lui permettra de restaurer son image auprès du grand public.
« Ils veulent être innovants et être perçus comme une entreprise technologique avec une vision de long terme (…). Avoir un pied dans les portables renforce cette impression, même si au départ cela ne rapportera pas massivement », estime Sylvain Fabre, analyste chez Gartner.
Les accords de licence ne sont pas une nouveauté dans le secteur technologique : après avoir capitulé face à la concurrence asiatique il y a plus de 10 ans, des acteurs européens comme Philips ou Alcatel ont pu maintenir leur nom dans l’électronique grand public grâce à ce modèle.
Mais Nokia devra se méfier d’une moisson de nouveaux-venus comme le chinois Xiaomi ou l’indien Micromax, d’autant que la standardisation de logiciels, de composants et de procédés de fabrication facilite la sous-traitance.
« Cette pression concurrentielle ne pourra que s’intensifier dans les prochaines années », prédit Ben Wood, analyste chez CCS Insight. « Les barrières à l’entrée du marché des portables n’ont jamais été aussi basses et désormais pratiquement n’importe qui peut entrer sur le marché des smartphones. »
La notoriété de la marque Nokia, cruciale pour le succès des accords de licence, fait aussi débat.
L’ex-leader mondial assure que sa marque est reconnue par quatre milliards de personnes, mais le cabinet d’études Interbrand, spécialisé dans la perception des marques, pointe une évolution inquiétante: après avoir figuré dans le Top-5 de son palmarès pendant les années 2000, le nom Nokia risque maintenant de disparaître du classement des 100 marques les plus connues. « Une marque tombe vite dans l’oubli si elle n’est pas associée à un produit grand public », confirme Anssi Vanjoki, un ancien cadre de Nokia aujourd’hui enseignant à l’Institut universitaire technologique de Lappeenranta en Finlande.
(Véronique Tison pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)
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