PARIS (Reuters) – L’acquisition d’une nouvelle marque de cosmétiques fournirait à LVMH un nouveau moteur de croissance alimenté par la demande chinoise, au moment où le numéro un mondial du luxe est confronté à un essoufflement des ventes de sa marque phare Louis Vuitton.
Déjà très présent dans le parfum avec Dior et Guerlain, LVMH dispose en revanche d’un portefeuille encore modeste dans les crèmes de soin haut de gamme que s’arrachent les consommateurs asiatiques, très portés sur les crèmes et peu sur les parfums.
Estimé actuellement à 3,5 milliards d’euros en Chine et à Hong Kong, le marché haut de gamme du soin de la peau devrait presque doubler d’ici à 2017 pour atteindre 6,6 milliards d’euros, selon l’institut Euromonitor.
« L’offre étrangère est insuffisante (…) et la concurrence de marques locales quasiment inexistante sur le haut de gamme », relèvent les experts d’Ubifrance, organisme chargé d’accompagner le développement des entreprises françaises à l’étranger.
Pour l’heure, Dior, qui réalise plus de la moitié des 3,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires de la division « parfums-cosmétiques » de LVMH, est surtout présent dans le parfum (50% à 60% des ventes), selon Mario Ortelli, analyste de Bernstein. Le maquillage arrive en deuxième position, le soin en troisième.
La marque Guerlain compte quant à elle pour environ 20% des ventes de la division qui regroupe également les parfums Kenzo et Givenchy ainsi que les marques de maquillage Benefit ou Make-Up for Ever.
« Dior et Guerlain sont présents dans le soin mais cela ne fait pas partie de leur ADN, ce qui peut limiter leur potentiel de croissance à long terme », estime Thomas Chauvet, analyste de Citi.
UN PUISSANT RÉSEAU DE DISTRIBUTION AVEC SEPHORA ET DFS
Une acquisition d’envergure serait ainsi nécessaire pour faire véritablement « bouger les lignes » et nombre d’observateurs estiment qu’un groupe de cosmétiques, avec une marque forte et un grand savoir-faire – deux critères qui ont toujours guidé le « grand consolidateur » du luxe au fil de ses acquisitions – constituerait une cible idéale.
Lors de ses rencontres avec les analystes, LVMH ne fait d’ailleurs pas mystère de son souhait de se développer dans un secteur aux perspectives de croissance prometteuses. Interrogé par Reuters, le groupe s’est néanmoins refusé à tout commentaire.
En outre, LVMH dispose dans les cosmétiques d’un atout de taille: de puissants leviers de distribution, avec la chaîne de parfumeries Sephora et le réseau DFS de produits détaxés, qui profite à plein de l’essor des flux touristiques dans le monde.
« Sephora est une vraie machine de guerre et un formidable outil de croissance et de soutien pour les marques de LVMH », souligne Luca Solca, analyste d’Exane BNP Paribas.
Compte tenu de la taille atteinte par le groupe – dans lequel Louis Vuitton pèse pour plus de 7,0 milliards d’euros de chiffre d’affaires et pour plus de la moitié de la rentabilité opérationnelle – seules des acquisitions d’envergure peuvent modifier son profil de croissance.
Après des années de progression à deux chiffres, Louis Vuitton marque le pas. Le malletier doit trouver un nouvel équilibre entre croissance et exclusivité et a, pour ce faire, commencé à repositionner son offre de sacs en cuir. et
« La question des acquisitions devient plus aiguë aujourd’hui, car Louis Vuitton n’a plus la croissance qu’il a eu dans le passé », souligne Antoine Belge, analyste de HSBC.
CLARINS ET SYSLEY, DES CIBLES POTENTIELLES ?
Reste que les cibles potentielles ne sont guère nombreuses. Deux d’entre elles, françaises et à capitaux familiaux, attirent toutefois particulièrement l’attention : Sysley et surtout le groupe Clarins, peu présent en Chine, et dont les ventes dépassent 1,2 milliard d’euros.
« Elles pourraient être intéressantes, si elles étaient à vendre », a récemment déclaré aux analystes Jean-Jacques Guiony, directeur financier de LVMH.
« Le cosmétique haut de gamme est effectivement quelque chose qui leur manque. Ceci étant, il n’y pas de marques en vente en ce moment », observe un banquier d’affaires parisien.
Toutefois, pour François Arpels, managing director à la banque d’affaires Bryan Garnier, « tout le monde s’attend à ce que Clarins soit sur le marché. Les Courtin-Clarins (propriétaires) ont toujours laissé entendre qu’ils chercheraient une solution pour vendre ».
Le groupe doit simplifier ses structures en fusionnant sa filiale de parfums Clarins Fragrance Group, « pour plus d’efficacité et de meilleurs marges, ce qui pourrait favoriser un changement d’actionnaires, ajoute François Arpels.
Interrogé, un porte-parole de Clarins a réaffirmé que le groupe n’était pas à vendre.
« Bien sûr, aucune de ces marques familiales ne sont à vendre, mais dans le luxe il ne faut préjuger de rien », commente un banquier d’affaires, faisant allusion au rachat de Loro Piana ou de Bulgari, acquis par LVMH en 2011.
Compte tenu du poids actuel de Vuitton, des analystes estiment que la progression des résultats opérationnels du groupe sera inférieure, sur le moyen terme, à celle de certains de ses concurrents. Pour HSBC, ceux de Burberry, Richemont ou Prada devraient croître plus vite.
En Bourse, malgré un rebond de près de 18% depuis la fin juin, le titre LVMH accuse encore une nette sous-performance par rapport à ses pairs, signant une hausse de moins de 6% depuis le début de l’année, alors que le secteur du luxe grimpe en moyenne de près de 30%.
Pascale Denis, avec la contribution de Matthieu Protard, édité par Jean-Michel Bélot
Reuters par Pascale Denis et Astrid Wendlandt
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