PARIS (Reuters) – Pour l’Etat, une entrée au capital de PSA Peugeot Citroën parallèlement au groupe chinois Dongfeng relève d’un double défi: être compatible avec les règles européennes de la concurrence et être en cohérence avec la politique industrielle prônée par François Hollande.
A l’heure où le gouvernement insiste sur les « investissements d’avenir », les difficultés financières du constructeur automobile risquent de le contraindre à endosser le costume du pompier pour secourir une nouvelle fois le groupe un an après avoir apporté une garantie publique de 7 milliards d’euros à sa filiale bancaire Banque PSA Finance.
« PSA se trouve dans une situation dramatique du point de vue financier avec un actionnaire majoritaire, la famille Peugeot, qui ne peut pas lui apporter les financements nécessaires à son redressement », souligne Elie Cohen, économiste au CNRS. « Il faut donc envisager sérieusement un changement d’actionnaire majoritaire. »
Selon des sources proches du dossier, l’Etat français et Dongfeng renfloueraient ensemble PSA à hauteur de trois milliards d’euros et deviendraient actionnaires du groupe à hauteur de 20% à 30% chacun. L’Etat, malgré une dilution possible de l’actionnariat de la famille Peugeot, serait un contrepoids qui assurerait l’ancrage français du constructeur.
Dans ce scénario, l’Etat, déjà actionnaire de Renault avec 15% du capital, se heurtera à des risques de conflits d’intérêts.
« Le risque de conflit d’intérêt peut être géré simplement en nommant des représentants au sein d’entreprises concurrentes et en faisant en sorte que ces représentants n’aient pas de liens entre eux », relève Elie Cohen.
« Lorsqu’il est actionnaire minoritaire, ce qui est le cas chez Renault et ce qui serait le cas chez Peugeot, l’Etat a toujours été dans un rôle passif », rappelle-t-il aussi, notant que les autorités françaises ne se sont jamais opposées aux délocalisations menées chez Renault.
AMADOUER BRUXELLES
Le projet devra aussi passer sous les fourches Caudines de Bruxelles. Selon des spécialistes du droit européen, l’arrivée concomitante du chinois Dongfeng devrait faciliter les discussions avec l’exécutif européen pour obtenir un feu vert.
« En soi, l’entrée au capital de l’Etat ne devrait pas poser de problème si elle se fait sur les mêmes conditions que Dongfeng », souligne Michel Petite, avocat chez Clifford Chance et spécialiste du droit européen de la concurrence, au vu des règles générales de la réglementation européenne.
Ancien directeur général du service juridique de la Commission européenne, de 2001 à 2007, il précise qu’il ne connaît pas les détails juridiques et financiers d’une éventuelle opération.
L’an dernier, des doutes avaient surgi quant à « l’euro-compatibilité » de la garantie publique apportée à Banque PSA Finance. Mais la Commission européenne a fini par donner son accord fin juillet en précisant qu’elle veillerait à ce que PSA n’utilise pas cette garantie pour doper ses ventes via le lancement d’offres de crédit auto.
« Si Dongfeng le fait (investir dans PSA, NDLR), on peut considérer qu’il y a des conditions d’investisseur normales », dit Michel Petite. « Et puis l’Etat pourra sans doute aussi dire qu’il veut sécuriser les sept milliards de garantie qu’il a donnés à Peugeot. »
UNE GOUVERNANCE « COMPLIQUÉE »
Si l’intervention de l’Etat se confirme, la question de son financement à hauteur de 1,5 milliard d’euros, selon les sources obtenues par Reuters, ne semble pas hors de portée.
Le gouvernement a fait savoir cet été qu’il procéderait à un arbitrage dans le portefeuille de participations de l’Etat pour financer de nouveaux investissements. La cession cette année de parts dans le capital d’EADS, Safran et Aéroports de Paris (ADP) ont représenté à elles seules près de 1,9 milliard d’euros.
Des banquiers d’affaires évoquent la possibilité d’une cession de titres EDF, dont l’Etat détient près de 84% du capital.
« Pour trouver ce 1,5 milliard, on peut très bien concevoir que l’Etat cède des titres EDF sans pour autant descendre sous la barre des 70% du capital », indique un banquier parisien.
La vente d’une partie de Banque PSA Finance à la banque espagnole Santander pourrait aussi revenir sur le devant de la scène.
Des analystes s’interrogent toutefois sur l’efficacité de la gouvernance qui naîtra d’une recomposition du capital de PSA si l’Etat et Dongfeng y font irruption.
« Avec GM, la famille Peugeot, Dongfeng et l’Etat au capital, la gouvernance de PSA s’annoncerait compliquée », écrit Aurel BGC dans une note de recherche.
Avec Marc Joanny, édité par Dominique Rodriguez
Reuters par Matthieu Protard et Julien Ponthus
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