Économie

Haïti s’invite dans l’industrie du numérique

Haïti, qui évoque surtout la grande pauvreté et le chaos politique, fait une entrée surprenante dans le monde du numérique avec une tablette Android à bas coût baptisée Sûrtab qui est fabriquée par une entreprise locale coincée entre les usines textiles d'une zone industrielle de Port-au-Prince. /Photo prise le 11 mars 2014/REUTERS/Marie Arago
Haïti s’invite dans l’industrie du numérique

PORT-AU-PRINCE (Reuters) – Haïti, qui évoque surtout la grande pauvreté et le chaos politique, fait une entrée surprenante dans le monde du numérique avec le lancement d’une tablette Android à bas coût.

Coincée entre les usines textiles d’une zone industrielle de Port-au-Prince, à proximité d’un bidonville, une entreprise locale a commencé la production de la tablette Sûrtab, un nom choisi pour vanter la fiabilité du produit.

Vêtue d’un équipement stérile blanc, ses cheveux retenus par un filet, Sergine Brice est fière de son travail.

« Je n’aurais jamais cru qu’un jour, je pourrais fabriquer une tablette toute seule », raconte cette femme de 22 ans, restée au chômage pendant un an après avoir perdu son emploi pour un opérateur téléphonique.

« Quand je suis arrivée et que j’ai compris que mon métier me mettait en contact avec des composants électroniques, je me suis demandé si j’allais y arriver mais quand j’ai terminé ma première tablette, j’étais très fière », ajoute-t-elle.

« NOUS POUVONS LE FAIRE AUSSI »

Sa famille et ses amis étaient pourtant sceptiques.

« Des tablettes fabriques en Haïti ? De quoi parles-tu ? », lui disaient-ils.

« Les Haïtiens ont dans l’idée que rien ne peut être fait dans ce pays », poursuit Sergine Brice. « J’ai prouvé qu’au contraire, nous, Haï tiens, avons les capacités pour faire beaucoup de choses. Ce ne sont pas que les Américains et les Chinois. Nous avons ce qu’ils ont, nous pouvons le faire aussi ».

Avec 143,7 millions d’euros de financement de la part de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), la société importe des composants asiatiques pour produire trois modèles, chacun avec un écran de 7 pouces et utilisant le système d’exploitation Android de Google.

Le modèle le moins cher, une simple tablette wifi avec 512 méga-octets de mémoire vive, coûte l’équivalent de 72 euros. Le plus sophistiqué, une tablette 3G avec deux giga-octets de RAM, est commercialisé autour de 205 euros.

Cette petite entreprise de 40 employées renvoie aux années 1970 et 1980, lorsque l’industrie de l’assemblage était florissante à Haïti et fabriquait aussi bien des boîtiers d’ordinateurs que des balles de base-ball pour les équipes professionnelles américaines.

Les turbulences politiques puis un embargo économique américain dans la foulée d’un coup d’Etat dans les années 1990 ont balayé ces entreprises.

« Un produit comme Sûrtab montre que les Haïtiens ne sont pas destinés seulement à des emplois peu payés et peu qualifiés », explique John Groarke, directeur de l’USAID pour Haïti. « C’est le genre d’emploi qualifié dont le pays a besoin pour sortir de la pauvreté ».

 

BIEN MOINS CHÈRE QUE L’IPAD

Chaque employée reçoit une prime pour chaque tablette passant avec succès les contrôles de qualité. L’entreprise dit payer ses salariées deux à trois fois plus que le salaire minimum à Haïti, qui est 3,6 euros par jour.

A l’usine ne travaillent que des femmes. « Ce n’est pas un choix mais il se trouve que les femmes obtiennent de meilleurs résultats », explique le directeur de la production chez Sûrtab, Diderot Musset. « Je pense que les femmes sont plus ouvertes à l’apprentissage de choses totalement différentes de ce qu’elles faisaient auparavant ».

Sûrtab est la tablette la moins chère sur le marché haïtien, qui offre un choix limité de tablettes importées.

« Elle est facile à utiliser et elle prend de vraiment de bonnes photos, comme toute autre tablette », se réjouit une utilisatrice satisfaite, Lisbeth Plantin. « Et c’est super de voir « Made in Haïti » inscrit derrière ».

Il n’y pas de chaîne de montage dans l’usine. Chaque employée construit la tablette de A à Z, ce qui lui prend de 35 minutes à une heure, suivant le modèle. L’usine produit de 4.000 à 5.000 tablettes par mois, un chiffre qu’elle espère doubler dès le mois d’avril.

« Nous aurions pu faire comme en Asie, avec une tâche par employé, ce qui est plus rapide, mais nous voulions un produit de meilleure qualité », explique Diderot Musset.

« Nous voulons des parts de marché qui ne soient pas déjà prises par les géants du secteur, en particulier dans les pays en développement », poursuit-il. « Ces gens aimeraient avoir une tablette mais ne peuvent pas se payer un iPad ».

Le produit phare d’Apple, qui coûte au moins 300 dollars (215 euros) sur le marché américain, est pratiquement introuvable à Haïti.

 

(Patrick Vignal pour le service français)

 

Source : Reuters par Amélie Baron

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