STOCKHOLM (Reuters) – Le prix Nobel de chimie 2013 a été attribué mercredi aux Américains Martin Karplus, Michael Levitt et Arieh Warshel pour leurs travaux sur la modélisation informatique des réactions chimiques qui ont révolutionné la recherche en particulier dans le domaine pharmaceutique.
Les travaux des trois lauréats, a résumé l’Académie royale des sciences suédoise, ont permis à la chimie d’entrer dans le cyberespace.
« Aujourd’hui, l’ordinateur est un outil aussi important pour les chimistes que le tube à essai », note-t-elle. « Les modèles informatiques imitant la vraie vie sont devenus cruciaux pour la plupart des avancées faites aujourd’hui en chimie. »
Des modèles informatiques très puissants, développés en pionnier par les trois lauréats – ils sont tous trois professeurs dans une grande université américaine et disposent d’une double nationalité – ont permis de mieux « voir » ce qui se passait dans les réactions chimiques faisant intervenir de grosses molécules comme les protéines.
Ces réactions sont si complexes et si rapides qu’il était avant leurs découvertes quasiment impossible de détailler toutes les étapes du processus.
Dans le domaine pharmaceutique de la conception des médicaments par exemple, les scientifiques utilisent désormais l’ordinateur pour calculer comment un médicament expérimental va réagir avec la protéine qu’il vise à l’intérieur du corps en travaillant précisément sur l’interaction des atomes.
« Le domaine de la modélisation informatique a révolutionné la façon dont nous concevons de nouveaux médicaments en nous permettant de prédire avec précision le comportement des protéines », a déclaré Dominique Tildesley, président de la Société royale de chimie britannique.
LA BONNE DIRECTION
Aujourd’hui, tous les laboratoires pharmaceutiques utilisent la chimie informatique pour voir à l’écran le comportement de leurs futurs médicaments avant de les tester sur l’être humain ou sur des animaux.
Le chemin n’a pas été aisé pour les trois pionniers.
Martin Karplus, qui a la double nationalité américaine et autrichienne, raconte avoir acquis la conviction des bienfaits de l’ordinateur pour simuler les réactions chimiques dès 1975, mais qu’il ne savait pas s’il vivrait assez vieux pour voir son projet adopté.
« J’ai toujours su que c’était la bonne direction », a-t-il déclaré. « Mais j’ai eu des difficultés et des revers infinis dans mes recherches. Aucun de mes articles n’a été publié sans avoir été d’abord rejeté. »
« Il était clair pour moi dès 1975 que cette technique était la plus puissante jamais utilisée en biophysique. Mais je ne savais pas s’il me serait un jour donné raison de mon vivant. »
Martin Karplus est professeur conventionné à l’Isis, un institut de l’université de Strasbourg où il dirige le laboratoire de chimie biophysique. Il est aussi professeur émérite au département de chimie et biologie chimique à l’université de Harvard.
Né en 1930 à Vienne, il a émigré avec sa famille aux Etats-Unis en 1938. C’est un des pionniers de l’application à la chimie de la résonance magnétique nucléaire et a donné son nom à une équation.
PASSION POUR LA SCIENCE
Arieh Warshel, né il y a 72 ans dans un kibboutz, a la double nationalité américaine et israélienne. Il est professeur à l’université de Southern California, à Los Angeles.
Il a fait état de la première simulation de dynamique moléculaire d’un processus biologique dans une étude de 1976 sur l’origine du processus visuel. Il continue à étudier les réactions ultra-rapides, comme par exemple les processus primaires dans les réactions photosynthétiques.
Né en 1947 à Pretoria, en Afrique du Sud, Michael Levitt est professeur à l’université de Stanford, en Californie. Il est arrivé à Londres à l’âge de 16 ans et possède la nationalité britannique. Il a notamment modélisé de façon réaliste l’acide ribonucléique de transfert (ARNt).
Il insiste sur l’importance de la passion pour la science qu’il faut avoir pour devenir un scientifique de premier ordre.
« Je suis un passionné d’informatique », a-t-il dit à Reuters. Dans les années 60, rappelle-t-il, il n’y avait pas d’ordinateurs personnels et la seule manière pour les scientifiques d’avoir accès à l’informatique était de trouver une façon de l’utiliser professionnellement.
« Je n’irais pas jusqu’à dire que je suis devenu un chimiste informatique dans le but de jouer à l’ordinateur, mais une grande partie de l’activité créatrice est de sentir que vous jouez. La science est menée par la passion. Il faut sentir qu’il n’y a qu’à le faire. Il faut se préoccuper de choses auxquelles les autres ne s’intéressent pas. »
Le prix Nobel de chimie, d’un montant de huit millions de couronnes (915.000 euros), est le troisième décerné cette année.
Celui de médecine a été attribué lundi aux Américains James Rothman et Randy Schekman et à l’Allemand Thomas Südhof pour des travaux sur le fonctionnement des cellules. Celui de physique l’a été mardi au Britannique Peter Higgs et au Belge François Englert pour leurs recherches sur le boson dit « de Higgs ».
Avec Johan Ahlander et Ben Hirschler à Londres et Sharon Begley à New York, Danielle Rouquié pour le service français, édité par Gilles Trequesser
Reuters par Mia Shanley et Sven Nordenstam
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