KIEV (Reuters) – Le nouveau pouvoir ukrainien, installé au cours du week-end à la suite de la destitution du président Viktor Ianoukovitch par le parlement, a manifesté dimanche son intention de se tourner vers l’Union européenne (UE), qui a pour sa part renouvelé son offre d’un accord commercial.
Alors que la Russie a rappelé à Moscou son ambassadeur en Ukraine, les Etats-Unis ont affirmé par la voix de Susan Rice, conseillère de Barack Obama pour les questions de sécurité, que Moscou commettrait une « grave erreur » en envoyant des forces armées pour rétablir le président sortant.
La réorganisation du pouvoir politique, entamée samedi, s’est poursuivie avec la désignation par la Rada, le parlement ukrainien, d’Oleksander Tourchinov, le bras droit de l’opposante Ioulia Timochenko, aux fonctions de chef de l’Etat intérimaire, dans l’attente d’une élection présidentielle prévue le 25 mai.
Il a demandé aux élus de se mettre d’accord d’ici mardi sur la composition d’un gouvernement d’union nationale. Estimant qu’il s’agissait d’une « tâche prioritaire », il a exigé que les discussions débutent immédiatement.
Au cours d’une adresse à la nation, Oleksander Tourchinov a ensuite déclaré que Kiev accepterait de discuter avec Moscou, « sur une nouvelle base d’égalité et de bonne entente, qui reconnaisse et prenne en compte le choix européen de l’Ukraine », mais qu’il ferait du « retour à la voie de l’intégration européenne » une priorité.
Libérée samedi de l’hôpital-prison de Kharkiv dans lequel elle était détenue depuis 2011 pour « abus de pouvoir », Ioulia Timochenko a elle écarté la proposition d’occuper le poste de Premier ministre, et a ainsi refusé une charge qu’elle avait occupée à deux reprises en 2005 puis entre 2007 et 2010.
IANOUKOVITCH LÂCHÉ PAR LES SIENS
Ioulia Timochenko, qui s’est exprimée samedi soir devant plusieurs milliers de manifestants massés sur la place de l’Indépendance à Kiev, s’est entretenue avec la chancelière Angela Merkel qui l’a félicitée pour sa libération et s’est dite certaine que son retour dans le jeu politique allait contribuer à stabiliser la situation dans le pays.
Dans le camp adverse, Viktor Ianoukovitch, qui a affirmé ne pas reconnaître les décisions prises à son encontre et les a qualifiées de « coup d’Etat », a fui Kiev, et on ne savait pas où il se trouvait dimanche, après avoir été empêché la veille au soir de quitter le territoire par des gardes-frontières de l’aéroport de Donetsk, sa ville natale, dans l’est majoritairement russophone du pays.
Sur le plan politique, Viktor Ianoukovitch a été lâché par un grand nombre des dirigeants de son Parti des régions qui l’ont privé des soutiens nécessaires au le parlement, et des mandats d’arrêt ont été lancés contre des alliés de l’ancien chef d’Etat, l’ancien ministre des Revenus Oleksander Klimenko et l’ex-procureur général Viktor Pchonka.
En outre, le nouveau ministre de l’Intérieur Arsen Avakov a annoncé que la police coopérait avec la sécurité de l’Etat et avec le parquet pour enquêter sur « les crimes graves commis contre le peuple ukrainien, y compris par d’anciens dirigeants de l’Etat ».
A titre plus anecdotique, les députés ont voté la saisie et la nationalisation de la luxueuse résidence dont bénéficiait Viktor Ianoukovitch à une vingtaine de kilomètres de Kiev.
ENTRETIEN ENTRE MERKEL ET POUTINE
Face à cette transition politique, le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, a fait savoir que l’UE demeurait prête à conclure un accord commercial avec l’Ukraine, trois mois après le début des manifestations déclenchées par le refus de Viktor Ianoukovitch de signer un partenariat de ce type.
Le président ukrainien s’était ensuite tourné vers la Russie de Vladimir Poutine qui avait proposé un prêt de 15 milliards de dollars (11 milliards d’euros) ainsi qu’une réduction du prix du gaz naturel fourni à l’ancienne république soviétique au bord de l’asphyxie financière.
Dimanche, le ministère russe des Finances a précisé que la nouvelle tranche de ce prêt ne serait pas versée tant qu’un gouvernement ne serait pas formé, tandis que Serguei Lavrov, ministre des Affaires étrangères, accusait les opposants à Viktor Ianoukovitch de s’être « emparés de fait du pouvoir ».
L’avenir de l’Ukraine a aussi été le sujet de la conversation entre la chancelière allemande Angela Merkel et le président russe Vladimir Poutine qui ont convenu de la nécessité de préserver « l’intégrité territoriale » du pays.
Sans cacher leur scepticisme, les Etats-Unis ont affirmé par la voix de Susan Rice, conseillère de Barack Obama pour les questions de sécurité, que Moscou commettrait une « grave erreur » en envoyant des forces armées pour rétablir Viktor Ianoukovitch.
Signe que le Kremlin ne semble pour autant pas enclin à agir en faveur du président destitué, Dmitri Kiseliov, un commentateur de la télévision publique russe, largement contrôlée par les autorités, a accusé Viktor Ianoukovitch de « trahison du peuple ukrainien, de ses partenaires et même – et c’est le pire – de ses propres forces de l’ordre ».
Avec Timothy Heritage, Matt Robinson, Pavel Polityuk et Richard Balmforth à Kiev, Alexandra Hudson à Berlin, Andrew Osborn à Londres, John Irish à Paris, Will Dunham et Ros Krasny à Washington; Marc Angrand et Julien Dury pour le service français
Source : par Natalia Zinets et Alessandra Prentice
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