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L’ARC OCÉANIQUE pt 1: Les Flèches Contraires

L’ARC OCÉANIQUE pt 1: Les Flèches Contraires

Quel est donc la raison du mécontentement de la France à l’égard du trio AUKUS (Australie, Royaume-Uni, États-Unis), derrière la déception de Paris face à l’abandon par Canberra de leur contrat mutuel d’armement, ce au profit d’une offre américaine, et d’une alliance anglo-saxonne ?

Certes, les montants du contrat perdu ne sont point anodins (56 milliards d’euro), mais ne peut-on voir dans cette « trahison » australienne aux yeux de l’Élysée, à l’égard d’un accord de fourniture de sous-marins militaires, la réaction tricolore face à une manœuvre géopolitique qui n’en est pas moins sous-marine ?

Si la France s’en plaint, et publiquement, c’est qu’elle aurait perdu, et non pas de manière discrète. Et pourtant, si l’offense dénoncée par le Quai d’Orsay est visible, l’aspect pécuniaire de l’affaire ne peut être le seul motif du grief français à l’égard de l’Australie et de ses partenaires anglo-américains. Mais qu’est-ce que la France a-t-elle donc perdu de par le volte-face australien, en dehors d’un contrat à onze chiffres, si ce n’est sa prééminence ancienne et reconnue sur le Pacifique, en tant que puissance militaire et nucléaire, alliée des États-Unis ?

En effet, dans toute affaire d’État entre Washington et Paris, il sera nécessaire de rappeler l’histoire commune entre les deux nations lors de la Guerre d’Indépendance américaine, contre la couronne britannique. S’étant débarrassé de la tutelle de Londres grâce à la participation du Royaume de France, participation qu’il faudrait apprécier au gré des témoignages des Pères fondateurs des États-Unis d’Amérique et de leur états-majors insurrectionnels, l’Amérique qui deviendra au cours des cent-cinquante années qui suivront empire universel après avoir été empire sur son propre territoire, contre Londres puis la Confédération, l’Amérique n’oubliera pas les capacités militaires et logistiques de la France dans leur volonté de maîtrise (commune?) des océans.

Ainsi, l’Océan Pacifique, après se l’être disputer avec l’axe germano-nippon, sera pour les États-Unis un condominium maritime entre les trois puissances occidentales présentes dans la région : les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. La République française, dont la réputation militaire à sans doute été échaudée aux yeux des Américains, ou mêmes des Britanniques, par la victoire éclair allemande de 1940 et l’occupation nazie qui s’ensuivit, et même encore par la Libération ou les forces américaines ou issues des colonies ont été fort déterminantes, a pu compté sur ses forces vives de résistance, mais encore sur leur représentant ultime, le Général de Gaulle, pour redorer le blason tricolore et réaffirmer la France comme puissance navale, aérienne, terrestre, intercontinentale et … nucléaire. Les dernières lignes ne sont pas les plus aisées pour tout Français digne de ce nom, néanmoins elle permettent, je crois, de comprendre la nécessité pour Charles de Gaulle, devenu Président de la Ve République, de renforcer l’arsenal et la présence de la France dans le monde, pour son indépendance et son rang, car enfin et d’abord, c’est bien de cela qu’il s’est toujours agit pour lui, en tant qu’officier combattant et prisonnier lors de la Grande Guerre, puis comme leader des Forces Françaises Libres (FFL), dont au moins 60% des effectifs étaient composés de soldats issues des colonies. En effet, nul ne peut comprendre la France de la seconde moitié du XXe siècle, et si j’ose dire de la première moitié du XXIe sans s’attacher à la réalité géostratégique que constituait pour la France, et quiconque voulait et voudrait la conduire, l’Empire colonial français. Une grande partie de la guerre de résistance française pendant le second conflit universel sera une volonté de bouter Vichy hors des colonies, et de garder Berlin hors de ce qui deviendra le pré-carré de la France.

Que n’euphémise-je pas en disant que le Pacifique, assurément sera au sortir de la guerre, et plus encore, lorsque le Général deviendra chef des armées un maillon essentiel de la politique française internationale. La France y murira son arsenal, comme dans le désert algérien, alors partie du territoire français, et ce même pendant la Guerre d’Algérie. À titre d’anecdote, si Gerboise bleue est le nom de code de la première bombe atomique française ayant explosé de par les soins de la France en Algérie, Gerboise blanche, elle a été expressément initiée juste après le putsch des généraux, afin d’éviter que l’engin ne tombe entre les mains de l’OAS. La France perfectionnera sa force nucléaire par des tests dans le Pacifique, jouissant à cet égard de son espace maritime dû à la présence d’îles françaises dans la région, elle ne fera non plus pas économie de la force ou de méthodes plus expéditives encore pour y défendre ses intérêts stratégiques, y compris à l’égard du civil comme dans l’affaire du Rainbow Warrior.

L’Australie donc, membre du Commonwealth, État souverain ayant le monarque britannique pour Chef d’État, fut donc sous le coup direct de la présence militaire française dans son immédiat géographique, ce sous la forme d’un arc océanique militaire.

La présence française en Océanie et dans le Pacifique, étant, par nature, basée sur la force marine et sous-marine, la France fut donc un radar naval tourné vers l’Australie, assurant avec l’accord tacite des États-Unis la surveillance et la protection de la région (Australie et Nouvelle-Zélande compris, voire Taïwan, et Hong-Kong/Macao lorsque ces régions spéciales autonomes de la République populaire de Chine étaient respectivement sous domination anglaise et portugaise).

La souveraineté chinoise n’est d’ailleurs pas un frein, y compris après la présente crise diplomatique franco-aukusienne en phase de normalisation, pour la surveillance par le renseignement militaire français des côtes et installations de défense chinoise par le biais de frégates de surveillance de la Marine tricolore. Ceci, dans un contexte où les États-Unis parient sur un embrasement géopolitique des eaux du Pacifique, plus que troublées en ce début du XXIe siècle, est la marque du rôle si ce n’est de tirailleur ou de supplétif, d’avant-poste de reconnaissance endossé dans le Pacifique, comme au Sahara/Sahel, aujourd’hui, par une France guidée comme renseignée par le Pentagone et ses drones ou avions furtifs.

Considérant l’alliance des Five Eyes anglo-saxons (États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande), est-ce à dire que les États-Unis sous-traitassent ou confiassent en parallèle la sécurité de l’Océanie à leur allié nucléaire français, membre du conseil de sécurité de l’ONU, ce pour davantage renforcer l’influence de Washington sur l’Océanie et assurer sa prédominance maritime sur l’Australie et la Nouvelle-Zélande, tout en approfondissant dans le même temps son contrôle terrestre sur le Canada via le processus d’intégration nord-américain.

Ajoutant à cela la relation privilégiée entre les États-Unis et la Grande-Bretagne, dont par la coopération synergique entre leurs communautés de renseignements, principalement par le biais des services extérieurs (CIA et MI6), la Maison-Blanche s’assurait la maîtrise de l’Amérique, sur l’Europe de l’Ouest (ce notamment avec l’OTAN, les bases militaires américaines en Allemagne ou le recours controversé au Danemark pour la surveillance électronique en direction de l’Europe).

Qu’est-ce qui donc a pu briser un tel schéma, où les États-Unis ménageait le monde anglo-saxon tout en se réservant une collaboration souterraine, ou plutôt sous-marine, quasi-exclusive, avec la France dans la zone Pacifique ? Quel est surtout la raison qui amène à se livrer à une réorientation stratégique, et quel est l’impact de celle-ci sur sa relation militaire, diplomatique et commerciale avec la France ? Quel est l’impact du nouveau plan-Pacifique américain, quelque peu belliqueux à l’égard de la Chine , et aux yeux de l’intérêt supérieur français, sur la place de la France dans le Pacifique, et dans le monde ? Est-ce le développement de missiles hypersoniques par l’autre puissance nucléaire de la zone, la Chine, qui bouleverse les plans de la Défense américaine, outre la montée en puissance de Beijing dans la région ?

Si tel était le cas, pourquoi les États-Unis n’ont-ils pas jugé utile de conserver le partenariat crypté avec la France, mais préférer se tourner vers le Commonwealth plutôt que vers l’Union Européenne ? Quelle prospective a d’ailleurs motivé Londres pour entamer sérieusement le Brexit, puisque nous ne pouvons que maintenir que les Britanniques ont plus engagé et permis la sortie de l’Union par considération de l’avenir que du présent ou du passé.

Au vu de tous ses éléments, demandons-nous quels risques menacent l’Europe, et quels opportunités se trouvent au dehors ?

Si « hors de l’Europe point de salut! » a été irrémédiablement asséné aux partisans de la sortie de l’Union Européenne par la Grande-Bretagne, la France, reconnaissons-le, n’a pu qu’opposer au pacte Aukus, et premièrement aux Américains et Australiens un peu convaincant « hors de la France, point de salut! ». Face à l’indifférence australo-américaine, Paris n’a pu avoir d’autre choix que de collectiviser l’offense subi, en européanisant l’affaire; après Londres, voici que la France dit à Washington et Canberra « hors de l’Europe, point de salut! ». Nos interlocuteurs y croiront-ils; en sommes nous nous-mêmes persuadés ?

La géostratégie française ne doit point ignorer que le Brexit était moins le commencement que le dénouement de la formation d’une nouvelle carte diplomatique; le Royaume-Uni a quitté l’Union Européenne et les Européens Unis, emportant dans son sillage les Royaumes du Commonwealth, c’est-à-dire les États membres du Commonwealth ayant pour monarque et chef de l’État celui du Royaume-Uni, donc à ce jour sous le constitutionnelle règne de la Reine Elizabeth II.

La géostratégie française actuelle, à mon sens, à minorer l’importance de la Grande-Bretagne, marraine d’un Commonwealth des Nations comprenant 54 États repartis sur six continents et trois océans, forte d’une population de plus de 2.4 Milliards d’habitants, avec une superficie de près de 30 millions de km2.

La géostratégie française, à mon sens, aurait du davantage s’informer de la nouvelle donne international de la Grande Bretagne, formalisée par le Global Britain, qui met le cap sur l’Asie, écartant ainsi les prétentions usitées dans la région par ces anciens partenaires européens et désormais rivaux, avec lesquels elle n’est plus tenue à rien.

Pour les États-Unis et le Royaume-Uni, en sus de l’alliance transatlantique chère à l’Union européenne, et en particulier à la France en ce qu’elle lui assure une place dans le carrosse des vainqueurs mené par le cocher Oncle Sam, c’est à une alliance transpacifique en fermentation qu’il faudra opposer les anciennes compositions géostratégiques anglo-saxonnes et le géostratégie franco-européenne.

Le revirement des États-Unis à l’égard de la France dans le Pacifique n’est rien de moins qu’une bifurcation radicale des visées militaires de Washington vers le Pacifique, ce contre la Chine et in fine, vers l’alter-ego de celle-ci, j’ai nommé la Russie, qui elle aussi a développé son système de lancement de missiles hypersoniques, dont … par sous-marin.

Cependant que l’escalade armée de l’Amérique dans le Pacifique ait pu intriguer les Indonésiens, et courroucé la Chine, qui a riposté par des avertissements on ne peut plus nucléaires, mais également par des exercices de destruction de bâtiments navals américains reproduits grandeur nature dans le Taklamakan, arguons qu’il s’agit là moins d’une manœuvre fatale visant à provoquer l’afforntement direect dans la région qu’une manière pour le Départmernt de la Défense américain d’occuper ses adversaires russo-chinois, et de détourner leurs attentions tandis que les États-Unis rattraperaient leur retard en matière d’armement hypersonique.

L’affaire est donc plus complexe et intéressante pour l’intérêt des puissances qu’elle n’en a l’air, nous dirons même que nous voilà plongé dans les eaux profondes de la géopolitique. La France, victime collatérale du recalibrage des stratégies aukuso-asiatiques, se verraient-elles ainsi reléguées, en même temps que ses voisins européens dont elle entends toujours se distinguer par la spécificité française -notamment au niveau nucléaire – au rang d’intérêt périphérique pour Washington ?

L’axe anglo-saxon veut-il supplanter, voire supprimer l’arc océanique français, qui ayant perdu par la perte du contrat franco-australien l’ascendant techno-logistique sur l’Australie, ne pourrait plus que se reposer sur ses îles de l’Indo-Pacifique ?

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Director GEVOS, Chief Editor K1FO News

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