L’Italie se prépare à des élections anticipées après deux coups de théâtre successifs: l’exubérant Silvio Berlusconi est prêt à revenir gouverner le pays, et son successeur, l’austère Mario Monti, a annoncé sa démission imminente.
Le Cavaliere, réagissant dimanche soir à Milan à l’annonce du retrait programmé de Mario Monti, en a minimisé la portée: « Il change peu de choses; nous avons ainsi une anticipation de la date du vote d’un mois, un mois et demi », a-t-il jugé, citant comme date possible le 24 février, alors que les élections étaient normalement prévues pour avril.
Celui qui a déjà gouverné l’Italie à trois reprises a promis d' »expliquer aux Italiens à la télévision » sa décision de revenir.
Après avoir soutenu pendant un an le gouvernement Monti, en pleine crise des marchés, le magnat de la télévision, amateur de jolies femmes, réputé pour ses rodomontades, ses plaisanteries et son ego, a ainsi lâché le rigoureux professeur d’économie, catholique pratiquant, à l’humour pince-sans-rire.
Tous deux incarnent deux images opposées de l’Italie à l’étranger.
Sur la scène européenne, Mario Monti est vu comme l’artisan de l’assainissement durable de l’économie italienne, la troisième de la zone euro.
« Les Italiens ne doivent pas céder à l’illusion qu’il existe des solutions miracle (….) Il n’y a pas d’alternative à la correction des finances publiques et à l’amélioration de réformes qui améliorent la compétitivité », a averti José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, au quotidien économique Il Sole 24 Ore.
Samedi, M. Monti a annoncé sa décision « irrévocable » de jeter l’éponge après le vote du budget prévu d’ici à la fin de l’année. Il a tenu à faire cette annonce alors que les marchés étaient fermés, pour éviter des réactions intempestives.
Selon le Corriere della Sera, le chef du gouvernement a été particulièrement « indigné » par les déclarations faites vendredi par Angelino Alfano, secrétaire général du parti de M. Berlusconi (le Peuple de la liberté), lorsque le PDL a décidé de ne pas voter un texte s’attaquant aux coûts de la politique.
M. Alfano s’est défendu sur la chaîne de télévision TG2, en assurant que le PDL était « une force responsable » qui voterait le budget.
M. Berlusconi a soutenu dimanche soir M. Alfano, en répétant la teneur de son jugement négatif global sur le gouvernement Monti. « Il n’y a pas un seul indicateur économique qui soit positif; l’expériece du gouvernement technique est fini, avec des résultats hélas absolument négatifs », a-t-il estimé.
Si la démission de l’ancien commissaire européen Monti intervient d’ici fin décembre, les Italiens pourraient voter en février ou début mars. Un délai de 45 à 70 jours est prévu entre la dissolution des chambres et un nouveau scrutin.
M. Berlusconi, 76 ans, devrait axer sa campagne sur les impôts qui grèvent les classes moyennes, l’absence de croissance, et critiquer une Europe qu’il décrit volontiers comme soumise aux volontés de l’Allemagne.
Son pari est tout sauf gagné: le PDL est au bord de la scission entre modérés et aile droite. Un récent sondage le créditait de moins de 14% au prochain scrutin national.
Dimanche soir, des dirigeants du Peuple de la liberté se sont retrouvés avec lui pour une réunion de concertation initialement prévue pour discuter des élections anticipées dans la région clé de Lombardie en 2013.
Son ex-allié devenu un de ses plus féroces adversaires, le président de la Chambre Gianfranco Fini, a commenté sur la RAI: « Le PDL n’est pas le Milan AC, la politique n’est pas le fait privé de Berlusconi: il sait parfaitement qu’il a déjà perdu, et c’est l’élément qui, malgré tout, tranquillise les marchés ».
La presse italienne fustigeait le « coup » de Berlusconi, qui se représente alors qu’il a plusieurs procès sur le dos.
La démarche de l’ancien commissaire européen est par contre saluée comme cohérente.
Pierluigi Bersani, chef du parti de centre gauche, le Parti démocrate (PD), et son candidat –bien placé– aux élections, a relevé son « acte de dignité » face à « l’irresponsabilité » de la droite « qui a trahi l’engagement pris il y a un an ».
Selon le Corriere, la décision donne à M. Monti les mains libres et il pourrait s’engager en politique, comme le souhaitent les centristes et une partie de la droite qui veulent rompre avec le « berlusconisme ».
Alors que l’Italie attendait avec une certaine appréhension l’ouverture lundi des bourses européennes, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a fait dimanche l’éloge du gouvernement Monti.
« M. Monti et son gouvernement ont redonné à l’Italie (…) son rayonnement et son honneur », a déclaré M. Fabius dans l’émission Le grand jury RTL-Le Figaro-LCI.
Sur la nouvelle candidature de M. Berlusconi, il s’est montré ironique. « M. Berlusconi – dont le bilan comme chacun sait est élogieux – a fait connaître ses intentions », a dit M. Fabius, « il y aura des élections, nous verrons bien… »
Par Jean-Louis DE LA VAISSIERE | AFP
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