BARCELONE (Reuters) – Les partis favorables à l’indépendance de la Catalogne, majoritaires en sièges, prennent le contrôle du parlement régional à l’issue des élections de dimanche, selon des résultats officiels après dépouillement de 97% des suffrages.
Les séparatistes visaient la majorité des sièges au parlement afin d’engager la riche région du nord-est de l’Espagne sur la voie de l’indépendance, malgré la ferme opposition du gouvernement central de Madrid qui s’appuie sur la Constitution espagnole.
Ils espèrent parvenir à l’indépendance d’ici dix-huit mois.
La liste « Junts pel Si » (« Ensemble pour le oui ») obtient 62 sièges et le parti de gauche CUP, également sécessionniste, dix sièges. Le parlement comprend au total 135 sièges, soit une majorité absolue de 68.
Les deux listes séparatistes obtiennent ensemble 47,8% des suffrages, manquant donc la majorité absolue en voix.
« Les Catalans ont voté ‘oui’ à l’indépendance », a lancé Artur Mas à l’annonce des résultats.
« Cela nous donne une grande force et une forte légitimité pour mener à bien notre projet », a-t-il ajouté devant une foule en liesse réunie dans le centre de Barcelone, qui scandait « in-indé-indépendance » et agitait des drapeaux catalans.
La participation a été particulièrement élevée — 78%.
Les deux principaux partis au niveau national, le Parti populaire (PP) du président du gouvernement espagnol Mariano Rajoy et le Parti socialiste (PSOE) d’opposition, ont perdu des dizaines des milliers de voix par rapport au scrutin régional de 2012. La défaite du PP est encore plus cinglante que celle des socialistes.
LÉGISLATIVES EN DÉCEMBRE
La formation anti-austérité Podemos ne recueille que 9% des voix, en fort recul par rapport aux dernières élections locales.
Parmi les adversaires de l’indépendance, les centristes de Ciudadanos obtiennent un bon résultat avec 18% des suffrages.
Les cinq millions et demi d’électeurs catalans étaient appelés à élire les membres du parlement régional pour les quatre prochaines années et les séparatistes avaient donné à cette élection une allure de référendum sur la sécession.
« Nous voulons décider de notre avenir et nous voulons être écoutés », a déclaré Montse Casamitjana, une institutrice barcelonaise, en se rendant au bureau de vote pour ce qu’elle a qualifié de « moment de vérité » pour la Catalogne.
L’indépendance formelle de la Catalogne reste toutefois bien théorique dans l’esprit de nombreux Catalans, montrent les études d’opinion. Seuls 20% des électeurs pensent que le mouvement séparatiste obtiendra gain de cause, selon un sondage publié par le quotidien barcelonais La Vanguardia.
Une autre étude, publiée par le Centre d’Estudis d’Opinio, un institut appuyé par le gouvernement régional, montre que le sujet n’est que la quatrième préoccupation des Catalans, derrière le chômage, le mécontentement politique et la situation économique.
Le résultat du vote de dimanche pourrait peser sur les prochaines élections législatives générales, programmées en décembre.
RÉFORME FISCALE
Les principaux partis nationaux ont tous cherché à engranger des voix dans la deuxième province la plus peuplée du pays, se disant prêts à discuter de réformes pour offrir à la Catalogne un régime fiscal plus favorable et augmenter les dépenses d’infrastructures en faveur de la région.
Le résultat des élections générales de décembre pourrait également se traduire par une révision constitutionnelle reconnaissant à la Catalogne le statut de nation au sein du royaume espagnol.
Ces discours tempérés montrent qu’en dépit des déclarations des responsables politiques, les électeurs catalans pensent que l’aspiration indépendantiste est davantage un instrument destiné à obtenir davantage de concessions de la part du pouvoir central qu’un objectif à atteindre à tout prix.
Artur Mas, a déclaré cette semaine que la sécession reste un but, malgré l’opposition farouche de Mariano Rajoy, qui propose plutôt un dialogue économique et politique approfondi avec la région.
Pour les séparatistes, la Catalogne, qui pèse 1/5e du PIB espagnol et attire des millions de touristes chaque année, serait plus compétitive si elle devenait indépendante.
Ses recettes fiscales, dont une partie est redistribuée par Madrid vers des régions plus pauvres par le pouvoir central, augmenteraient de 12 milliards d’euros en cas de sécession, disent les indépendantistes.
Mais selon l’ancien ministre des Affaires étrangères José Manuel Garcia-Margallo, près de 700.000 emplois seraient détruits en cas d’indépendance et le taux de chômage s’envolerait pour atteindre 37%.
(Avec Elena Gyldenkerne; Jean-Stéphane Brosse, Tangi Salaün, Eric Faye et Guy Kerivel pour le service français)
Source : Reuters par Julien Toyer
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