ROME (Reuters) – Le président du conseil italien, Enrico Letta, a annoncé dimanche qu’il allait se soumettre à un vote de confiance du parlement et qu’il tirerait « les conclusions qui s’imposent » si les députés la lui refusent.
A l’issue d’un entretien avec le chef de l’Etat, Giorgio Napolitano, Enrico Letta a précisé qu’il se présenterait sans doute mercredi devant le parlement pour chercher une porte de sortie à la crise consécutive à la démission des ministres du parti de Silvio Berlusconi.
Le président du Conseil a dit sentir une « hésitation » sur l’attitude à adopter parmi les élus du parti du Peuple de la liberté (PDL) du « Cavaliere » depuis la démission des ministres, officiellement en raison de l’augmentation d’un point du taux de la TVA, à laquelle le PDL était opposé.
« J’espère qu’une partie du PDL n’est pas d’accord avec Berlusconi », a déclaré Enrico Letta sur les antennes de la Rai, invitant implicitement les élus de centre-droit à lui accorder la confiance pour éviter à l’Italie des élections anticipées.
Giorgio Napolitano a de son côté souligné dans un communiqué que les déclarations contradictoires des dirigeants du PDL ont créé « un climat de grande incertitude » et qu’Enrico Letta se rendra par conséquent devant le parlement pour « juger de la situation et voir ce qui peut être fait ».
Avant et après l’éclatement de la coalition gouvernementale, Giorgio Napolitano a clairement fait savoir qu’il épuiserait toutes les possibilités avant de recourir en dernier ressort à l’arme de la dissolution et de rappeler les Italiens devant les urnes, sept mois après les dernières législatives.
Soulignant que le système électoral actuel ne permettrait pas de faire émerger une majorité claire en cas de nouveau scrutin, Enrico Letta s’est pour sa part dit prêt à soumettre une nouvelle loi électorale au parlement.
« UN ÉNORME MENSONGE »
En ordonnant samedi soir le départ du gouvernement des cinq ministres appartenant à sa formation, Silvio Berlusconi a replongé l’Italie dans la crise politique.
Le « Cavaliere » a dit avoir pris sa décision après le refus du gouvernement de renoncer à une hausse de la TVA de 21 à 22%, décidée par le précédent gouvernement de Mario Monti, à laquelle s’oppose le PDL.
Avant son entretien avec Giorgio Napolitano, Enrico Letta a accusé le « Cavaliere », qui a fêté dimanche son 77e anniversaire, d’avoir proféré « un énorme mensonge » pour justifier un « geste fou et irresponsable ».
Cette nouvelle crise est le produit de la possible éviction de Berlusconi du Sénat à la suite de sa condamnation définitive, prononcée en août par la Cour de cassation, pour fraude fiscale dans l’affaire Mediaset. Une commission sénatoriale doit se prononcer le 4 octobre sur une éventuelle déchéance du « Cavaliere ».
La crise politique a relancé chez les investisseurs les questions concernant la capacité de l’Italie à adopter les réformes nécessaires pour mettre fin à deux ans de récession, une décennie de léthargie économique, une dette publique de 2.000 milliards d’euros et un taux de chômage des jeunes atteignant les 40%.
Les marchés financiers ont déjà pris en compte l’instabilité politique, affirme le ministre de l’Economie Fabrizio Saccomanni dans un entretien publié dimanche.
« Les marchés prendront en compte de nombreux éléments, dont les perspectives économiques qui s’améliorent clairement », dit-il dans les colonnes du quotidien financier Il Sole 24 Ore.
« Je pense que l’incertitude liée à l’instabilité du gouvernement a d’ores et déjà été largement intégrée par les marchés ces dernières semaines », ajoute-t-il.
LE PDL DIVISÉ
Silvio Berlusconi a appelé de ses voeux dimanche la tenue d’élections « le plus vite possible ». « Nous les gagnerons », a-t-il assuré.
Mais des voix dissidentes se font entendre dans son camp. Fabrizio Cicchitto, pourtant un fidèle de longue date du magnat des médias, a publiquement regretté que son mentor n’ait pas consulté la direction du PDL avant d’ordonner le départ des ministres.
Deux ex-ministres PDL, Gaetano Quagliariello (Réformes constitutionnelles) et Beatrice Lorenzin (Santé) ont tous deux dit qu’ils démissionnaient mais qu’ils n’adhéreraient pas à Forza Italia, la formation d’origine de Silvio Berlusconi que ce dernier souhaite relancer en remplacement du PDL.
L’ex-ministre PDL des Infrastructures, Maurizio Lupi, a émis la crainte que Forza Italia (En Avant l’Italie) ne soit tenté par « l’extrémisme ».
Ces déclarations confortent Napolitano et Letta dans leur conviction qu’une majorité est à rechercher au parlement pour former un nouveau gouvernement, qu’il soit dirigé par le président du Conseil sortant ou par une autre personnalité.
Enrico Letta peut trouver facilement une majorité à l’Assemblée. Au Sénat, il peut rallier à lui des élus du PDL en rupture de ban avec Berlusconi, ainsi que des membres du mouvement contestataire Cinq-Etoiles de Beppe Grillo.
Berlusconi a senti le danger de désertions dans son camp, et souligné dimanche dans une nouvelle déclaration que le PDL était prêt à voter le budget 2014 qui sera présenté prochainement au parlement à condition que les mesures y figurant soient « réellement utiles à l’Italie ».
Henri-Pierre André et Pascal Liétout pour le service français
Reuters par Gavin Jones et Stephen Jewkes
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