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Cristina Kirchner, grande absente des élections argentines

Cristina Fernandez de Kirchner à Montevideo le 27 août. (Photo Pablo Porciuncula. AFP)
Cristina Kirchner, grande absente des élections argentines

Opérée en urgence, la Présidente a dû s’éclipser de la scène politique, laissant son camp en pleine déroute à l’approche des législatives de dimanche.
Elle serait tombée au mois d’août dernier en faisant du roller dans la résidence présidentielle d’Olivos, à une vingtaine de kilomètres du centre de Buenos Aires. Deux mois plus tard, elle a subi une opération destinée à drainer l’hématome cervical soi-disant provoqué par la chute et doit, selon les médecins, observer un repos total durant 30 jours. La présidente argentine Cristina Fernàndez de Kirchner, 60 ans, est la grande absente de la fin de campagne pour les élections législatives de dimanche où un tiers des députés (127) et un tiers des sénateurs (24) remettent leur mandat en jeu.
Aucune information avérée sur la «vraie» maladie de la Présidente n’étant divulguée, les rumeurs les plus fantasques vont bon train en Argentine où les pires scénarios sont évoqués quant à sa santé. D’autant qu’il y a un peu moins de deux ans, l’alerte à un cancer de la thyroïde avait déja provoqué une tempête sur les rives du rio de la Plata. Elle avait été opérée d’urgence avant que le corps médical n’avoue officiellement une erreur de diagnostic et la malencontreuse ablation d’une glande finalement déclarée saine.

La disparition temporaire de la scène politique de la Présidente, triomphalement réélue avec 54% des voix à la casa rosada, l’Elysée local, en octobre 2011 pour un second et dernier mandat consécutif prévu par la Constitution, n’arrange pas ses partisans qui prévoient déja une déroute électorale pour le clan «kirchnériste» ce week-end. D’autant qu’Amado Boudou, le vice-président qui assure l’intérim, est si impopulaire que la Présidente lui aurait demandé de se faire le plus discret possible en attendant son retour. Même son ami Martin Insaurralde, candidat député «kirchnériste» pour Buenos Aires soutenu par le gouverneur de la province Daniel Scioli, l’aurait supplié d’arrêter de se montrer à ses côtés pendant la campagne.

«UNE DÉFAITE MAJEURE POUR LE PARTI AU POUVOIR»
Boudou, un économiste ancien bassiste de rock qui lors de la dernière campagne électorale ne loupait pas une occasion de sauter sur scène en dégainant sa guitare Fender pour accompagner les groupes contractés pour animer les meetings, fait aujourd’hui profil bas. Ex-ministre de l’Economie avant d’être promu numéro deux, il est considéré au mieux comme un «incompétent», au pire comme un «voyou» par une majorité d’Argentins après les charges d’enrichissement illicite et de trafic d’influence qui ont pesé sur lui mais que la justice n’a cependant jamais réussi à prouver. Il faisait surtout figure jusqu’à présent de faire-valoir à la Présidente.

«Ce gars-là est un opportuniste, un inconsistant, un aventurier qui a mauvaise presse depuis déjà longtemps», note Carlos Corach, un vieux compagnon de route du péronisme et ancien ministre de l’Intérieur qui s’inquiète de l’image dégradée du pouvoir actuel et de la division qui règne au sein du Parti justicialiste (péroniste, au pouvoir). Et d’énumérer les quatre grandes provinces argentines (sur un total de 23) qui vont, selon lui, rester ou tomber dans l’escarcelle de l’opposition: la province de Buenos Aires, la capitale, Mendoza et Santa Fe. Pour sa part la puissante Cordoba flageole. A elles seules, ces provinces représentent 70 % des 30 millions d’électeurs argentins (sur une population de 41 millions). D’autres Etats de l’intérieur battraient de l’aile vers les forces d’opposition au «kirchnérisme» comme La Rioja, Chubut, Neuquen, Catamarca ou Jujuy. «Ça va être une défaite majeure pour le parti au pouvoir», prédit Corach.

VIANDE SUBVENTIONNÉE
Composante essentielle du Front pour la victoire – une alliance qui les lie à des partis du centre et de la gauche modérée – les péronistes «kirchnéristes» ont pourtant multiplié depuis plusieurs années les initiatives sociales comme les larges subventions gouvernementales accordées aux tarifs publics ou aux produits alimentaires de première nécessité telle la viande, denrée culte de l’asado (grillade) dominical.

La Présidente a mis en place un système d’allocations pour chaque enfant scolarisé issu d’une famille nécessiteuse, les salaires et les pensions de retraite sont régulièrement augmentés et, à défaut de création de postes dans le privé, les emplois publics pullulent. Autant de programmes sociaux financés à grand renfort de fonds publics drainés notamment par l’envolée des cours des matières premières agricoles dont l’Argentine est un grand producteur mondial. Le seul soja, nouvel eldorado argentin, rapporte près de 25 milliards d’euros chaque année et l’Etat empoche 35% de cette somme en droits d’exportation.

Au plan sociétal, Cristina Kirchner a laissé se dérouler les procès devant les tribunaux civils des tortionnaires des années de plomb (1976-1983) et, dans un pays très catholique, n’a pas hésité à faire de l’Argentine la première nation d’Amérique latine à autoriser le mariage homosexuel. Une décision contre laquelle s’était violemment insurgé à l’époque le cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio devenu depuis le pape François. Quant à la classe moyenne des grandes villes -mère de tous les combats-, elle se précipite dans les magasins de luxe ou d’électroniques pour s’offrir le dernier écran plat ou l’ultime génération de smartphone qui lui permettra d’alimenter son compte Facebook ou de tweeter le dernier «chiste» (plaisanterie) anti-gouvernemental. Et s’apprête à voter massivement contre le gouvernement.

L’OPPOSANT SERGIO MASSA EN POLE POSITION
Car rien n’y fait. La magie Cristina ne fonctionne plus et la popularité de la Présidente est en chute libre. Les derniers sondages la créditent de moins de 30% de satisfaits. Les reproches se concentrent sur sa manière très personnelle – arbitraire et jacobine selon ses détracteurs,- de gouverner et sur la «dilapidation» de la manne agricole dans des programmes sociaux sans lendemain. Le ralentissement de la croissance économique du pays, passée de 8,9% par an jusqu’en 2007 à 2,8% seulement cette année, une inflation incontrôlée de quelque 28% annuels (les chiffres officiels ne reconnaissent «que» 10%), un déficit fiscal en forte hausse et une soudaine flambée du dollar au marché parallèle confortent la dégradation de la situation économique.

Pour la première fois de son histoire, le parti justicialiste (péroniste) aborde les législatives de dimanche en pleine division. C’est la toute puissante province de Buenos Aires (15 millions d’habitants) qu’a choisi d’attaquer le péroniste d’opposition Sergio Massa qui se présente contre l’«officialiste» Martin Insaurralde avec toutes les chances de l’emporter haut la main et de s’assurer une pole position dans la prochaine course à la présidence. A 41 ans, Massa qui est maire de la municipalité de Tigre, dans la banlieue de Buenos Aires, s’est d’ailleurs doté dès le mois de juin dernier d’une structure politique, le Front rénovateur (FR, centre droit), constitué à l’origine par un petit groupe de maires anti-kirchnéristes. Ancien chef de cabinet de Cristina Kirchner (2008-2009), il a débuté sa carrière politique chez les conservateurs de l’Union du centre démocratique (UCD, droite) avant de passer au péronisme mais cultive aujourd’hui une image de franc-tireur pragmatique.

 

Source : Libération

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