PARIS (Reuters) – Stéphane Hessel, l’auteur en 2010 du manifeste « Indignez-vous », dont l’immense succès mondial a inspiré les jeunes « indignés » occidentaux en rupture avec le système établi, est mort dans la nuit de mardi à mercredi à l’âge de 95 ans.
Son court pamphlet prônant, soixante-cinq ans après, les valeurs du Conseil national de la Résistance à l’occupation nazie s’est vendu à 4,5 millions d’exemplaires à travers le monde, dont deux millions en langue française.
Cet ancien résistant et diplomate, engagé à gauche, avait soutenu François Hollande lors de la dernière campagne présidentielle.
« Sa capacité d’indignation était sans limite, sauf celle de sa propre vie. Au moment où celle-ci s’achève, il nous laisse une leçon, celle de ne se résigner à aucune injustice », écrit François Hollande dans un communiqué.
Dans son opuscule de 32 pages, vendu 3 euros, l’auteur appelait à une « insurrection pacifique » qui, en ces temps de crise, a provoqué une déferlante mondiale et mêmes des élites du printemps arabe se sont référées à l’ouvrage.
Il dénonçait notamment l’écart croissant entre les très riches et les très pauvres, le traitement fait aux sans-papiers et aux immigrés, ainsi que la dictature des marchés financiers.
Ses prises de position pro-palestiniennes lui ont valu des critiques acerbes d’une partie de la communauté juive. Plusieurs organisations ont eu mercredi des mots très durs à l’annonce de sa mort, lui reprochant d’être antisémite.
« Son grand âge, son sourire, son apparente ingénuité, son indignation focalisée et ses poèmes surannés évoquaient un monde angélique, mais pavaient la route, certainement sans qu’il le voulût lui-même, aux véritables criminels tapis derrière l’enfer des bonnes intentions », écrit Richard Prasquier, président du Conseil représentatif des institutions juives de France ».
« LAISSONS DU TEMPS À HOLLANDE »
Né en 1917 à Berlin, dans une famille d’origine juive convertie au luthéranisme, Stéphane Hessel a été naturalisé français à l’âge de 20 ans. Engagé dans la Résistance, il fut arrêté par la Gestapo en 1941 et déporté au camp de Buchenwald.
Il avait entamé une carrière diplomatique à la Libération comme détaché au secrétariat général de l’ONU (1946-1951) puis participé, au côté de René Cassin, à l’élaboration de la Déclaration universelle des Droits de l’homme.
En 2008, invité des cérémonies du 60e anniversaire de ce texte adopté le 10 décembre 1948 à Paris par les 48 pays membres de la toute jeune Organisation des Nations Unies, il avait estimé que la France ne pouvait se targuer d’être exemplaire en matière de droits humains vu sa façon de traiter les étrangers.
« Elle s’occupe mal de ses immigrés, elle s’occupe mal de ses sans-papiers et elle ne s’occupe pas bien du tout non plus des questions d’asile », disait-il à Reuters.
Stéphane Hessel avait ensuite occupé plusieurs postes de conseiller, notamment au cabinet de Mendès-France (1954-1955) ou, plus tard, au ministère de la Coopération, où il avait tenté sans succès de faire libérer Françoise Claustre, otage au Tchad.
Il avait créé la surprise en présentant une motion au dernier congrès du Parti socialiste en octobre, obtenant 11,9% des suffrages, et récemment confié sur Europe 1 qu’il fallait se montrer « patient » avec François Hollande.
« Ne jugeons pas Hollande sur les trois premiers mois. Il a dit des choses justes, il fait déjà un certain nombre de choses essentielles, utiles, qui vont dans le sens de ses engagements. Laissons-lui le temps », disait-il.
LA MORT ATTENDUE AVEC « GOURMANDISE »
Il y a un an, sur RTL, Stéphane Hessel disait attendre la mort « avec beaucoup de gourmandise ».
De nombreuses personnalités socialistes ou de la gauche du PS ont rendu hommage à cet éternel indigné.
Valérie Trierweiler, la compagne du chef de l’Etat, a salué sur son compte Twitter « la vie exceptionnelle de Stéphane Hessel » avant d’expliquer sur RTL qu’il vivait mal le succès d' »Indignez-vous ».
« C’était un homme pétillant, très curieux de tout. Et malgré tout, il éprouvait une lassitude. Il y a une chose qu’il n’a pas supportée, c’est l’immense succès de son livre. On le reconnaissait partout et c’était très difficile à vivre pour lui », raconte-t-elle.
« Je veux saluer le combattant des droits de l’Homme, l’un des artisans de la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 et le militant de la cause des plus démunis, l’homme infatigable dont la capacité d’indignation n’a jamais été altérée », a déclaré le Premier ministre Jean-Marc Ayrault.
Pour Martine Aubry, ancienne dirigeante du PS, « c’était une voix qui réveille, qui bouscule, qui réchauffe. Une voix qui nous manquera terriblement ».
« Le succès mondial de son livre ‘Indignez-vous’ notamment parmi la jeunesse l’avait propulsé au devant de la planète entière, suscitant une irruption démocratique bienvenue », déclare Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste.
Gérard Bon, avec Naomi Thébault et Julien Ponthus, édité par Yves Clarisse
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