PARIS (Reuters) – La ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti s’est défendu jeudi d’avoir cédé à un chantage à l’emploi de TF1 qui menace de fermer sa chaîne d’informations LCI s’il n’obtient pas son passage en gratuit.
Une commission mixte paritaire a validé cette semaine le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public dont une disposition donne au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) la possibilité nouvelle d’autoriser le passage d’une chaîne du payant au gratuit.
Cette disposition a été rebaptisée « amendement LCI » du nom de la chaîne d’information en continu du groupe TF1 qui n’a cessé de perdre du terrain ces dernières années face à ses concurrentes du gratuit BFM TV (groupe NextRadioTV) et i>TÉLÉ (groupe Canal+, filiale de Vivendi).
Le PDG de TF1 Nonce Paolini a menacé fin septembre de fermer la chaîne qui emploie autour de 200 personnes s’il n’obtenait pas l’autorisation de la transformer en chaîne gratuite.
« Nous ne réagissons pas à un chantage à l’emploi », a déclaré Aurélie Filippetti lors d’un déjeuner de l’Association des journalistes médias (AJM).
Elle a refusé de dire si elle était favorable au passage de la chaîne en clair mais a justifié une nouvelle fois la possibilité donnée au gendarme de l’audiovisuel de permettre le changement de modèle économique d’une chaîne de télévision.
« Je trouve que c’est bien qu’ils (le CSA) puissent le faire car la situation de LCI ne peut pas nous laisser indifférents », a expliqué la ministre en rappelant que le texte encadrait la prise de décision du CSA qui doit notamment tenir compte de l’équilibre économique du secteur.
La volonté de TF1 de transformer LCI en chaîne gratuite soulève un certain nombre d’interrogations quant à sa mise en oeuvre et aux motivations réelles de la filiale du groupe Bouygues.
En basculant sur la TNT gratuite, la chaîne élargirait mécaniquement son audience et pourrait donc prétendre à des ressources publicitaires plus importantes mais un tel changement de modèle économique n’est pas un pari gagné d’avance.
« Si LCI devient gratuite, elle aura un manque à gagner de 24 millions d’euros provenant de la redevance », souligne Jean-Baptiste Sergeant, analyste média chez Gilbert Dupont.
MOYEN DE PRESSION
La chaîne d’information payante a réalisé un chiffre d’affaires de 36 millions d’euros en 2012, dont les deux tiers provenaient des redevances versées par les distributeurs et le reste de la publicité.
« En terme économique l’équation n’est pas intéressante au moins pendant les trois ou quatre premières années. LCI va creuser ses pertes au lieu de les réduire », confirme Adrien de Saint Hilaire, analyste média chez Exane BNP Paribas.
Certains analystes interprètent les déclarations d’intention de TF1 comme un moyen de pression dans ses négociations avec les distributeurs.
TF1 chercherait à négocier avec Canalsat, qui appartient à Canal+, une augmentation de la redevance qu’il verse à LCI qui est actuellement de plus de sept millions d’euros par an.
« TF1 veut faire peur à Canal+ en le menaçant de chasser sur les terres d’i>TÉLÉ et être en position de force pour négocier une hausse de la redevance », estime Adrien de Saint Hilaire.
Une porte-parole de TF1 n’a pas souhaité faire de commentaire.
La nouvelle loi pourrait aussi permettre au groupe concurrent M6 de passer sa chaîne Paris Première en gratuit, ce qui suscite moins de commentaires, s’étonnent des analystes.
« Pourtant elle concurrencerait directement de nombreuses chaînes de la TNT dont Direct 8 (groupe Canal+) », explique Adrien de Saint Hilaire qui ajoute qu’on pourrait aussi bien parler de « l’amendement Paris Première ».
Le passage de LCI et de Paris Première en gratuit remettrait sérieusement en question l’avenir de la TNT payante, déjà en difficultés, qui serait alors réduite à la portion congrue.
Interrogée à ce sujet, la ministre a répondu : « je n’ai pas une religion de la TNT payante ».
Edité par Jean-Michel Bélot
Reuters par Constance De Cambiaire et Gwénaëlle Barzic
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