La Cour pénale internationale a acquitté mardi l’ancien chef de milice congolais Mathieu Ngudjolo Chui de crimes contre l’humanité et crimes de guerre, l’accusation n’ayant pu prouver qu’il avait dirigé l’attaque en 2003 d’un village du nord-est de la République démocratique du Congo ayant fait plus 200 morts.
Les juges n’ont pas pu conclure, au vu de l?ensemble des éléments de preuves figurant au dossier, que « l’accusé était le chef des combattants Lendu ayant participé à l?attaque de Bogoro le 24 février 2003 », a déclaré le juge Bruno Cotte à La Haye, siège de la CPI.
Les trois témoins clés de l’accusation n’étaient pas crédibles et leurs déclarations ont une « très faible valeur probante », a soutenu Bruno Cotte.
Le juge français a demandé au greffier de prendre les mesures nécessaires pour la libération de Mathieu Ngudjolo, détenu à La Haye depuis début février 2008, mais sa sortie de prison était encore incertaine : une audience était prévue à 13H30 (12H30 GMT) pour entendre les arguments des parties sur la question. Le procureur a la possibilité de faire appel du jugement.
Mathieu Ngudjolo Chui, en costume sombre, chemise blanche et cravate rayée bleue et noire, a écouté le prononcé du jugement de manière impassible.
C’est le premier acquittement prononcé par la Cour, qui n’avait à ce jour mené qu’un seul procès à terme, celui du chef de l’Union des patriotes congolais (UPC) de Thomas Lubanga, une milice ennemie de celle de Mathieu Ngudjolo Chui. Thomas Lubanga avait été condamné à 14 ans de prison pour avoir enrôlé et utilisé des enfants soldats.
Après la conclusion de l’audience, les avocats de la défense se sont félicités par de chaleureuses poignées de mains. L’un des avocats, Jean-Pierre Kilenda, a déclaré à des journalistes que la Cour avait montré qu’elle « respectait les droits » des accusés.
Le procureur de la CPI, Fatou Bensouda, dont le bureau a indiqué qu’il ne réagirait pas mardi à la décision des juges, était elle visiblement contrariée.
« Le gouvernement (de RDC) ne peut que prendre acte d’une décision de justice. Nous n’avons pas à commenter dans un sens ou dans un autre », a quant à lui réagi très sobrement Lambert Mende, porte-parole du gouvernement congolais, à Kinshasa, dans une déclaration à l’AFP.
Ancien dirigeant présumé du Front des nationalistes et intégrationnistes (FNI), une milice congolaise, Mathieu Ngudjolo était accusé d’avoir voulu « effacer totalement » la population du village de Bogoro, dans la région de l’Ituri.
Selon l’accusation, des combattants des ethnies Lendu et Ngiti du FNI, en collaboration avec des hommes de la Force de résistance patriotique en Ituri (FRPI), une autre milice, avaient attaqué le village, tuant plus de 200 personnes.
Le verdict de mardi « prive les victimes de Bogoro du sentiment justice », a déclaré à l’AFP Géraldine Mattioli-Zeltner, du programme Justice Internationale de l’ONG Human Rights Watch.
Eric Witte, expert en droit international à l’ONG Open Society Justice Initiative, a assuré que cet acquittement envoyait « un signal inquiétant » sur la qualité des enquêtes menées par l’accusation.
« Des procès plus difficiles avec des très grands enjeux pour le Kenya doivent commencer en avril et le nouveau procureur doit repenser de manière urgente la manière dont son bureau récolte et présente les éléments à charge », a-t-il ajouté.
Au centre de Bogoro, village de l’ethnie Hema, se trouvait un camp de l’UPC, mais selon l’accusation, l’attaque visait également la population civile.
Pendant l’attaque, M. Ngudjolo, 42 ans, et le chef des FRPI, Germain Katanga, 34 ans, avaient selon l’accusation « utilisé des enfants soldats et tué plus de 200 civils en quelques heures, ils ont violé des femmes, des filles et des femmes âgées ».
Les juges ont soutenus qu’ils ne pouvaient « exclure que l’accusé ait été lors des faits l’un des commandants ayant occupé une place militaire importante » mais les preuves rassemblées par l’accusation, ont-ils ajouté, n’étaient pas en mesure de l’établir.
Les affrontements inter-ethniques entre milices qui se disputaient les terres de cette région riche en ressources naturelles, dont l’or ou le pétrole, avaient débuté en 1999 et ont, selon l’accusation, « dévasté » la zone. Selon les ONG, ces violences ont fait plus de 60.000 morts.
Le procès de Mathieu Ngudjolo Chui s’était tenu en commun avec celui de Germain Katanga, transféré à La Haye en octobre 2007. Ils ont tous les deux plaidé non coupable pendant leur procès, qui avait commencé le 24 novembre 2009 et s’était achevé le 23 mai. Les deux affaires avaient été disjointes en novembre.
Source : Par Maude BRULARD | AFP
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