Le bras droit du président burundais Pierre Nkurunziza et patron de facto de la sécurité intérieure, le général Adolphe Nshimirimana, a été tué dimanche à Bujumbura dans une attaque à la roquette, relançant les craintes d’une escalade des violences qui frappent le Burundi depuis trois mois.
Ancien chef d’état-major et souvent présenté comme le numéro deux du régime, le général Nshimirimana a été victime d’une attaque contre sa voiture en début de matinée dans la capitale burundaise, ont indiqué à l’AFP des témoins.
Selon eux, son véhicule a été touché par deux roquettes, puis arrosé à l’arme automatique. La police a fait état de sept arrestations.
Sa mort a été confirmée peu après par le chef de la communication de la présidence, Willy Nyamitwe : « J’ai perdu un frère, un compagnon de lutte, la triste réalité c’est que le général Adolphe Nshimirimana n’est plus de ce monde », a-t-il indiqué dans un message sur Twitter.
Dans un communiqué, l’Union européenne s’inquiète de cette « dangereuse escalade de la violence au Burundi ». « Le recours a la violence, quels qu’en soient les auteurs, ne pourra jamais contribuer à sortir le pays de l’impasse politique actuelle », écrit-elle, appelant à la « retenue » et à une reprise du « dialogue ».
Pour le camp présidentiel, la mort de l’officier supérieur, un intime de Nkurunziza, constitue clairement un choc.
« La situation est très grave. Le général Adolphe était quelqu?un d’indispensable dans le système. On est en train de tout mettre en ?uvre pour gérer la situation, mais ce n?est pas facile. Nos garçons ont envie de se venger », a affirmé à l’AFP un haut cadre de la présidence.
« Vous n’imaginez pas ce qu’Adolphe représentait pour nous », a expliqué une source au sein du Service national de renseignement (SNR).
– Déclaration de guerre –
« Ils viennent de déclarer la guerre et ils vont voir ce qu’ils vont voir », a averti sous couvert d’anonymat un général de l’armée burundaise.
A la suite de cet assassinat, le journaliste burundais, et correspondant de l’AFP dans ce pays, Esdras Ndikumana, a été arrêté par les forces de sécurité gouvernementales et roué de coups.
Esdras Ndikumana, qui collabore également avec la radio française RFI, prenait des photos sur les lieux de l’attaque quand il a été arrêté par des membres du Service national de renseignement (SNR). Retenu deux heures dans leurs locaux, il dit avoir été violemment frappé au dos, aux jambes et sur les plantes des pieds, avant d’être relâché et hospitalisé. La directrice de l’Information de l?AFP Michèle Léridon s’est déclarée « très choquée » par cette agression.
Le général Nshimirimana, officiellement « chargé de mission à la présidence », faisait partie d’un groupe de généraux issus de l’ancienne rébellion hutu CNDD-FDD (aujourd’hui parti présidentiel ultra-majoritaire) sur lesquels s’appuyait le président Nkurunziza.
Il avait été évincé de la tête du pouvoir dans le cadre d’un conflit au sein de la hiérarchie militaire, tout en restant incontournable. Il avait ainsi gardé en sous-main le contrôle de l’appareil sécuritaire du pouvoir.
L’officier supérieur avait dirigé la Documentation nationale (service de renseignement) et était l’ex-chef d’état-major des Forces pour la Défense de la Démocratie (FDD).
Sa disparition intervient une semaine après la proclamation de la victoire à la présidentielle du sortant Pierre Nkurunziza, pour un troisième mandat dénoncé par l’opposition, la société civile et plusieurs pays occidentaux.
– L’opposition s’organise –
L’opposition burundaise a de son côté annoncé dimanche s’être dotée pour la première fois d’un organe représentatif et d’un président unique, à l’issue de deux jours de discussions dans la capitale éthiopienne Addis Abeba.
Opposition et société civile ont « créé un Conseil national pour le respect de l’accord d’Arusha et pour la restauration de l’état de droit au Burundi, le Cnarec », avec à sa tête Léonard Nyangoma, porte-parole de l’ADC-Ikibiri, une coalition d’une dizaine de partis d’opposition.
Le mouvement de contestation contre un troisième mandat du président Pierre Nkurunziza, élu en 2005 et 2010, est né fin avril après l’annonce de sa candidature, en violation, selon ses adversaires, de la Constitution et de l’Accord d’Arusha qui avait mis fin à la guerre civile.
Les violences qui ont émaillé ces trois derniers mois ont fait une centaine de morts et poussé quelque 170.000 personnes, selon l’ONU, à fuir dans les pays voisins. Après avoir déjoué mi-mai une tentative de coup d?État, les autorités burundaises ont brutalement réprimé les manifestations, empêchant tout nouveau rassemblement.
Le général Nshimirimana avait joué un rôle-clé au sein des forces de sécurité pour déjouer la tentative de coup d’Etat et mettre un terme aux manifestations.
Par ailleurs, début juillet, des combats ont opposé l’armée à des rebelles dans le nord du pays.
L’histoire post-coloniale du Burundi est jalonnée de massacres entre Hutu et Tutsi et le petit pays d’Afrique des Grands Lacs se remettait progressivement depuis dix ans d’une guerre civile ayant fait 300.000 morts entre 1993 et 2006.
Source : AFP
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