Au Burkina-Faso, l’histoire retiendra que l’année 2014 fut celle qui a vu un système politique en place depuis plus de 27 ans, s’écrouler face à la pression de la rue. Elle retiendra aussi que ce système était à bout de souffle et avait naturellement atteint ses propres limites. Fragilisé par le temps, dans un espace politique très mouvant, ce système s’est donc désagrégé de l’intérieur, par ses propres acteurs. L’usure du temps, le manque de propositions nouvelles et de renouvellement de la classe politique dirigeante, mais surtout des manœuvres politiciennes hasardeuses pour conserver le pouvoir a fini par réveiller d’une part des ambitions personnelles légitimes chez certains de ces acteurs au pouvoir ; et d’autre part, exacerber des doutes et de nombreuses frustrations au sein des populations.
Candidature du CDP
A trois mois de l’élection présidentielle, tous les états-majors sont en alerte maximale. Les grandes manœuvres politiciennes, stratégiques, électorales et tacticiennes montent en puissance au fur et à mesure que l’échéance se rapproche. Toute l’actualité nationale tourne désormais principalement autour de l’élection présidentielle, puis de celle des législatives qui sont couplées. La plupart des grands partis politiques ont déjà désigné leur candidat. Les regards sont essentiellement tournés vers le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le parti du président Blaise Compaoré, qui a investi monsieur Eddie Komboïgo. En dépit du nouveau code électoral voté par les parlementaires du Conseil national de transition (CNT), qui exclut les dirigeants de ce parti aux échéances à venir, le Cdp semble fortement s’activer pour y participer. Mieux, il espère remporter l’élection présidentielle grâce à la force de ses puissants réseaux tant au niveau national qu’international d’une part ; et d’autre part avec l’appui de partis alliés et de l’armée qui peuvent encore jouer un rôle déterminant.
Nombreuses incertitudes
Qu’on le veuille ou non, et au grand désespoir de la société civile et de l’opposition, il semblerait qu’il faille encore considérer l’armée comme un acteur incontournable de cette zone d’ombre et d’incertitudes dans laquelle se prépare ces élections. Sinon, comment comprendre que le Régiment de sécurité présidentiel (RSP) considéré comme une armée « spéciale » (la mieux formée et la plus influente) au cœur de l’armée nationale, trouble le sommeil de la classe politique actuel et surtout du gouvernement de transition, dont l’actuel Premier ministre fut le numéro deux ? Ce régiment est d’ailleurs fortement soutenu par la hiérarchie de l’armée nationale. Peut-on aussi réellement écarter tous ces poids lourds de la politique burkinabé issus de l’armée comme le souhaite le CNT à travers un projet de loi adopté par ses députés ?
C’est le cas par exemple de Djibrill Bassolé, Jean-Baptiste Natama, Yacouba Ouédraogo ou de Gilbert Diendéré. Autant d’interrogations qui accentuent les zones d’ombre et les nombreuses incertitudes concernant l’organisation de l’élection présidentielle d’octobre prochain dans le pays des hommes intègres. Concernant ce projet de loi, la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), vient d’autoriser dans un verdict qui est sans appel, les membres du CDP à participer aux échéances électorales d’octobre 2015.
Sondage en faveur du MPP de Roch Kaboré
Pour les uns, notamment les organisations de la société civile, très remontées contre le CDP et l’ancien pouvoir, « il est hors de question de favoriser d’une manière ou d’une autre le retour au pouvoir des militaires et de tous ceux qui les avaient soutenus au moment de leur chute ». Pour les autres, qui se sentent exclus du jeu politique burkinabé, « tout ceci n’est que pure mascarade. En réalité, ce sont des manœuvres politiques exclusives » (et non inclusives). Les organisations de la société civile burkinabé sont aujourd’hui divisées et n’arrivent plus à parler d’une seule et unique voix. Leurs représentants sont très courtisés par les différents partis politiques du pays afin qu’ils mobilisent massivement leurs bases pour les échéances à venir.
Les partis politiques sont donc à la manœuvre et chacun espère légitimement profiter des faiblesses des uns pour renforcer leur implantation politique et mobiliser davantage d’électeurs en sa faveur. D’après plusieurs études d’opinions, le candidat du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), Roch Christian Kaboré serait en très bonne position pour gagner l’élection présidentielle. Cependant, rien n’est encore joué. Dans les coulisses et les arrières cours, de jour comme de nuit, les tractations s’intensifient quotidiennement. Les alliances se font et se défont, aux grés de nombreuses propositions. Le moment venu, si la date est toujours respectée, toutes ces incertitudes dans cette zone d’ombre dans laquelle se préparent ces élections pourraient peut-être réserver des surprises dont seule la politique a le secret.
Source : Courrier des Afriques Par Macaire Dagry
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